Nous sommes aujourd’hui 7,9 milliards d’habitants sur Terre et en 2050 nous serons 9,7 milliards [1]. Un défi alimentaire de taille s’impose : nourrir une population mondiale croissante tout en préservant notre environnement.
Or de nombreux pays souffrent déjà des manques de nourriture et d’eau, et la superficie des terres arables diminue de façon consternante chaque année (urbanisation, érosion et épuisements des sols) [2]. Il est alors urgent de trouver des solutions pour sauvegarder ces ressources naturelles. Il faut ralentir les dommages environnementaux et ainsi assurer notre sécurité alimentaire.
Les algues pourraient faire partie de la solution : leur exploitation est effectivement la moins répandue au monde, alors que ces végétaux marins possèdent de nombreux avantages.
L’exploitation des algues : de sacrés gains de terres et d’eau
Le rapport de la FAO (Food and Agriculture Organisation) de 2021 sur l’état des ressources en terres et en eau dans le monde alerte sur les pressions qu’elles subissent. La dégradation anthropique des terres et la raréfaction de l’eau ont atteint un tel niveau qu’elles compromettent la productivité des principaux systèmes agricoles. La possibilité d’étendre les terres cultivées est limitée et l’irrigation représente déjà 70% de tous les prélèvements d’eau douce [2].
Le développement de l’algoculture et de l’exploitation des algues sauvages comestibles pourraient contribuer à endiguer ces problématiques :
- Les algues n’empiètent pas sur les terres agricoles. Elles prennent 20 à 30 fois moins de place que l’agriculture terrestre: un hectare d’algues cultivées est capable de produire autant qu’environ 20 hectares de soja ou 50 hectares de maïs [3].
- Les algues n’ont pas besoin d’eau douce, ni pour se développer, ni pour être transformées. Par exemple, dans la majorité des process alimentaires, leur rinçage s’effectue à l’eau de mer. A titre d’illustration : 1000 litres d’eau douce sont nécessaires pour produire 1 kilo de riz, 400 litres pour 1 kilo de poulet [4] et zéro litre pour 1 kilo d’algues.
À ces égards, la production d’algues est beaucoup moins exposée aux effets du changement climatique que les autres cultures terrestres.
Les algues : une solution durable
La majorité des pressions exercées sur les ressources en terres, en sols et en eau proviennent de l’agriculture. L’utilisation d’intrants chimiques, le recours à la mécanisation agricole et la pression de pâturage augmentent. Les dommages environnementaux se multiplient alors, et la croissance de la production agricole vient à se ralentir.
Le rapport de la FAO de 2021 sur la transformation des systèmes alimentaires préconise le développement à grande échelle de productions plus responsables sur le plan environnemental et plus intelligentes pour renverser ces tendances [5]. Les algues remplissent de très nombreux critères dont ceux ci-dessous :
- Les algues ont besoin uniquement d’eau salée et de lumière solaire pour croître : aucun intrant chimique n’est nécessaire, ni intervention humaine.
- Alors que l’agriculture contribue à environ 24 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, cette culture n’en génère aucun. Et au contraire, les algues captent et stockent à long terme le dioxyde de carbone. Le bilan carbone de l’exploitation des algues est d’ailleurs très bas : 296 kilos par tonnes de protéines consommables (loin derrière toutes les production de viandes) [6]. Elles représentent ainsi une solution naturelle pour lutter contre le réchauffement climatique.
- Environ 50% de la photosynthèse sur Terre est réalisée par les algues marines et les algues microscopiques. Elles contribuent à la libération d’oxygène. Sans les plantes aquatiques, la vie sur Terre ne serait donc pas possible [7].
En raison du faible investissement nécessaire à sa mise en place, la culture d’algues gagne en popularité auprès des populations côtières notamment. Bien que certaines contraintes soient identifiées, les caractéristiques d’atténuation et d’adaptation au changement climatique promettent un futur florissant pour l’exploitation des algues.
Les algues : un concentré nutritionnel pour tous
Aucun élément naturel n’apporte autant de nutriments que les algues. Pauvres en graisses et riches en protéines, fibres, minéraux (calcium, magnésium, sodium), vitamines (B12, A, K) et oligoéléments essentiels (iode, zinc, fer), les algues renferment un potentiel pour contribuer au système alimentaire des Hommes, mais aussi des animaux terrestres et aquatiques, et à la nutrition des cultures [7].
Les composés prébiotiques et les minéraux essentiels contenus dans les algues peuvent améliorer la production et la santé du bétail, ainsi que remplacer l’utilisation d’antibiotiques pour la production animale intensive.
Concernant les productions végétales, les avantages potentiels des algues sont l’amélioration des sols par le biochar (amendement naturel), un apport de compost riche en nutriments et l’effet biostimulant des extraits d’algues. Cela permettrait l’augmentation de la productivité des cultures tout en évitant les émissions liées à la production d’engrais synthétiques [8].
Conclusion
Les systèmes alimentaires subissent les effets de la dégradation de l’environnement. Mais ils ont aussi eux-mêmes une incidence sur l’état de l’environnement et sont un facteur important du dérèglement climatique. Une des voies proposées par la FAO pour assurer la sécurité alimentaire mondiale est donc d’inciter les consommateurs à favoriser des habitudes alimentaires ayant une incidences positive sur la santé humaine et sur l’environnement [5]. Les algues contribuent à fournir des aliments nutritifs pour tous (Hommes, animaux et végétaux) et à faible empreinte carbone. La popularisation des algues dans les régimes alimentaires occidentaux et dans les modes de productions agricoles peuvent contribuer à relever le défi alimentaire.
L’exploitation à plus grande envergure des algues doit comprendre une gestion intelligente et attentive du milieu marin afin de ne pas reproduire les erreurs faites sur les productions agricoles « terrestres ».
Sources :
- [1] United Nations, Department of Economic and Social Affairs, Population Division (2022). World Population Prospects 2022, Online Edition. [consulté le 27/09/22] Disponible sur le lien suivant.
- [2] FAO. 2021. L’État des ressources en terres et en eau pour l’alimentation et l’agriculture dans le monde. Des systèmes au bord de la rupture. Rapport de synthèse 2021. Rome. Disponible sur le lien suivant.
- [3] Agromedia.fr, « Vinpai Food fait le choix de l’alliance algues marines et fibres végétales comme ingrédients naturels du futur », publié le 27/01/2021. Disponible sur le lien suivant.
- [4] Springmann, M., Clark, M., Mason-D’Croz, D. et al. Options for keeping the food system within environmental limits. Nature 562, 519–525 (2018). Disponible sur le lien suivant.
- [5] FAO, FIDA, OMS, PAM et UNICEF. 2021. L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2021. Transformer les systèmes alimentaires pour que la sécurité alimentaire, une meilleure nutrition et une alimentation saine et abordable soient une réalité pour tous. Rome, FAO. [consulté le 28/09/22] Disponible sur le lien suivant.
- [6] QUEVA, Régine. 2019. Les supers pouvoirs des algues. Larousse. 144 pages.
- [7] Sustainable Ocean Business Action Platform of the United Nations Global Compact, 2020. “ Seaweed revolution: a manifesto for a sustainable future”, Lloyd Register Foundation. Disponible sur le lien suivant.
- [8] Duarte CM, Wu J, Xiao X, Bruhn A, Krause-Jensen D (2017.) Can seaweed farming play a role in climate change mitigation and adaptation? Front Mar Sci 4:100.